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Entre deux bouteilles de rhum
L'elfe n'acceptait peut-être pas sa proposition, mais elle sembla faire son chemin dans son esprit. Tant mieux, se dit le qunari. Grossir l'Inquisition était quelque chose de vitale, et c'était en ouvrant la porte à la plupart des gens qui venaient trouver refuge que cela pourrait arriver. Pour ce qui était des espions qui pourraient rôder, Lelianna pourrait en faire son affaire. Cette rouquine toujours très grave avait plus d'un tour dans son sac. De l'avis de Bull, ce n'était pas cette faille ni même les démons qu'il y avaient à l'intérieur qui étaient effrayant, mais surtout cette rouquine qui semblait pouvoir lui transpercer l'âme du regard. Chaque membre de la garde rapprochée de l'inquisitrice était dangereux à sa façon, mais celle-ci était tout un numéro.
« Faites attention Bull, je ne sais pas dire non à un défi. »
Le grand rire franc et gras de Bull répondit au sourire de l'Ativan. Il pouvait quand même bien se débrouiller à ce jeu de Grâce Perfide qu'il avait dû apprendre lors de son arrivée sur les terres d'Orlaïs. Il n'était pas si mauvais considérant que c'était une bonne partie de son rôle de Ben-Hassrath que de mentir et de tromper. Sinon, il ne ferait pas un bon espion et il n'aurait pas été choisi pour cela. Il fallait aussi dire que Bull avait été conquis par l'idée d'un jeu où il fallait gagner en trichant le plus possible. On aurait presque dit le jeu de la vie, non ? Les premiers mercenaires qui l'avaient rencontrés et toutes les soirées dans les tavernes dans tout Thédas lui avait permis d'apprendre, mais aussi, de se perfectionner assez pour affronter à peu près n'importe qui. Maintenant, il était souvent le qunari à affronter parmi ses gars lorsque Bull décidait de jouer avec eux lors de leurs innombrables beuveries. Il n'était pas le meilleur de la Charge, mais ça, Bull ne le laisserait pas paraître à l'Ativan trop sûr de lui. Il pourrait probablement l'affronter assez longtemps pour avoir s'amuser.
- Et bien, tant mieux, parce que moi non plus. Et puis, ce n'est pas comme si vous aviez pas de l'argent à perdre.
Bull s'étira le bras gauche, se qui lui permis de passer de l'autre côté du comptoir du tavernier, qui ne semblait pas trop inquiet de voir le qunari faire comme chez lui. Bull était presqu'un meuble dans cette taverne, après tout. Il en sorti un vieux paquet de carte élimé qui semblait en avoir vu beaucoup d'autre. Il aurait pu prendre le paquet de carte avec lequel l'elfe jouait il avait peu de temps, mais il traînait encore un peu partout par terre après l'altercation. Et puis, pour avoir l'avantage dès le début, Bull devait prendre SON paquet de carte. Sans attendre véritablement la réponse de son partenaire actuel de beuverie, il brassa les cartes d'une main étonnement adroite pour la grosseur qu'elle avait. Il distribua les cartes devant Zuan tout en continuant la conversation. Seulement une partie, ce serait bien, non ?
- Je connais surtout ton coin de pays de nom... Et par ses silencieux et meurtriers corbeaux. Tu dois connaître aussi bien la région d'où je viens que je connais la tienne. Il faut dire que leur chaleur me manque avec toute cette neige.
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Le rire du Qunari était aussi imposant et franc que son propriétaire. L’antivan sourit un peu avant de jouer avec verre de vin, faisant tourner son index sur le pourtour de la coupe. Il sortirait bien son arc et ses flèches pour entretenir un peu son arme de prédilection, mais il avait préféré les laisser avec l’équipage, au cas où son armement soit pris comme un signe d’agression. Dommage, le contact du bois usé contre ses doigts lui manquait.
Et bien, tant mieux, parce que moi non plus. Et puis, ce n'est pas comme si vous n’aviez pas de l'argent à perdre.
L’elfe eut un sourire. Il avait une relation étrange avec l’argent : avide, mais conscient de sa superficialité. Un reste de cette époque où il était affamé. Parfois, il cauchemardait, rêvant qu’il avait faim.
Mais cette époque était révolue :
J’apprécie jouer, Iron Bull… D’ordinaire, je me méfie des piliers de bar. Ils ont parfois de bonnes raisons d’avoir la langue pendue.
Mais le qunari avait l’air d’un bon partenaire de jeu, et lorsque ce dernier sortit un vieux paquet de cartes élimées, il ne pu résister à la tentation. Pourtant, c’était déjà enfreindre une de ses premières règles : ne jamais jouer avec le paquet d’un inconnu. Ce dernier pouvait tricher de bien trop de manières. Enfin, qu’importe : il pouvait se départir de cet handicap avec facilité.
Je connais surtout ton coin de pays de nom... Et par ses silencieux et meurtriers corbeaux. Tu dois connaître aussi bien la région d'où je viens que je connais la tienne. Il faut dire que leur chaleur me manque avec toute cette neige.
L’elfe observa la distribution des cartes sans se cacher, prêt à déceler le moindre signe de triche. Sans regarder son adversaire dans les yeux, il répondit d’un air soit disant distrait :
Les corbeaux… J’ai passé la moitié de ma vie à la éviter, et l’autre moitié à leur voler quelques contrats… J’ai déjà croisé bon nombre de Qunaris qui m’ont parlé de Séhéron et Par Vollen, mais je n’y suis jamais allé.
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Les cartes étaient finalement distribuées. Bull était effectivement un meuble de taverne, un gros meuble. C'était certain que cela ne faisait pas des lunes qu'il avait élu domicile à Fort Céleste, mais dans ces temps troubles et incertains, il fallait dire que le quelque chose de «long» devenait bien relatif. Enfin bref, l'Ativan faisait bien de se méfier de lui. En même temps, il n'avait pas grand chose à perdre. Pas vraiment de témoin pour voir sa défaite, seulement le tavernier un peu blasé qui se demandait bien comment réparer sa défunte table.
Bull regardait ses cartes d'un air distrait. Depuis le temps qu'il jouait les Ben-Hassrath, il devait avoir quelques tours en poches, me direz-vous. Quelques uns, effectivement. Mais il ne connaissait pas l'elfe et il était bien mal placé pour dire que les gens étaient prévisibles. Il fallait malheureusement se méfier de tout le monde et de n'importe quoi. Le qunari écouta son compagnon de jeu parler des corbeaux et de ses terres natales. Dire que cela lui manquait était dur à dire. À la fois, le mal du pays lui prenait de temps en temps et puis, il se rappelait de tout ce qui venait avec cet endroit si réconfortant : l'importance du rôle, l'équilibre, la droiture... Un manque flagrant d'imagination, oui. Le Qun n'était pas mauvais, comme pouvait le penser toutes les autres races devant cette société peu orthodoxe. Elle était différente, et c'était ce qui faisait le plus peur. Bien que Bull prenait certaines libertés, toujours tiraillé entre ce qu'il vivait ici et ce qu'il avait vécu là-bas, il avait de la difficulté à se faire à l'idée de se départir de tout ce qu'il était même si cela lui permettait de devenir meilleur encore.
- Si vous aimez la chaleur et le sable, vous allez être servi là-bas. Les rumeurs ne rendent pas toujours justice à la beauté de ces villes. C'est un endroit à voir... À condition de faire partie du Qun. Nous sommes peut-être d'endroit différent, mais il y a toujours quelque chose à fuir, il semble.
Cela pouvait être étrange pour l'elfe d'entendre parler le Qunari de ses villes. Ce n'était pas les Tal-Vashoth qui se vantaient habituellement d'avoir vu ses terres. Ceux qu'il était possible de voir en Férelden. Bull était bien étrange comme spécimen, il fallait l'avouer. Pas tout à fait renégat, mais pas totalement loyaliste.
Retournant son attention sur les cartes, Bull commença. Son paquet de carte, ses règles, non ?
- Je passe.
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Si vous aimez la chaleur et le sable, vous allez être servi là-bas. Les rumeurs ne rendent pas toujours justice à la beauté de ces villes. C'est un endroit à voir... À condition de faire partie du Qun. Nous sommes peut-être d'endroit différent, mais il y a toujours quelque chose à fuir, il semble.
Hmm… Le Qun. Il se rappelait d’une époque où un elfe de la cité d’Antiva lui avait vanté les mérites de cette communauté. Il disait « l’on n’y a jamais faim ! ». Effectivement, son interlocuteur n’avait pas ses joues creuses, sa silhouette osseuse… Quelque part, dans un coin dans sa tête, Zuan avait envisagé cette solution. Avant de finalement comprendre l’enjeu : son confort ou sa liberté ?
En prenant le problème sous cet angle, il avait choisi rapidement. Mais il pouvait comprendre ses nombreux compères des bascloitres qui donnaient leur allégeance à cette étrange philosophie du Qun.
Le Qun, les Corbeaux… Toutes les grandes institutions répriment ceux qui tiennent à leur individualité…
Le Bull était probablement Tal Vashoth : il parlait du Qun comme quelque chose à fuir. Il avait dû y naitre. On avait du lui attribuer un rôle là bas. Quel rôle donnait on à une armoire à glace, pilier de bar à l’humour étonnement fin ?
Je passe.
L’elfe se pencha sur la table, une mèche de ses longs cheveux noirs coulant sur le bois. Il observa les cartes de son air naitre tellement habituel qu’on ne pouvait vraiment dire que c’était un pokerface.
Son jeu était très hétéroclite et pas réellement intéressant. Mais s’il il défaussait et tirait deux bonnes cartes, sa suite serait excellente. Même pas besoin de tricher…
Je défausse et je pioche.
C’est ce qu’il fit.
Et la carte fut exactement celle dont il avait besoin. Il n'en montra strictement rien mais jubila intérieurement. Plus qu'une carte.
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Le taureau regarda l'elfe piocher sa carte dans la pile. Ça se voyait que ce n'était pas son premier jeu de Grâce Perfide. Malgré les années d'expérience dans le Qun et dans sa propre troupe, le Qunari ne pu dire s'il avait pigé quelque chose de bon ou non. C'était quand même intéressant de jouer avec des gens qui savaient comment s'y prendre. Ses collègues de l'Inquisition était peut-être plus ou moins doués, mais il savait pas tous joué comme les gens qu'il avait souvent rencontré dans les tavernes. Comme des piliers de bar. Ce n'était malheureusement pas tout le monde qui jouait comme cela et qui vivait littéralement dans une auberge où l'alcool coulait à flot. Sinon, Bull s'ennuierait ferme si quelques bons joueurs de passait pas à Fort Céleste une fois de temps en temps.
Pour ce que pensait l'Antivan du Qun n'était pas surprenant en soi. Les seules personnes qui en avait véritablement parlé avec Bull avait eu la même opinion. Le Qun était une philosophie tout aussi contestable que le philosophie de la Chantrie et des Cantiques de la lumière chez les humains, de l'avis du Qunari. Il fallait s'y plonger et essayer de comprendre avant de juger. Bull savait bien que les méthodes de sa religion n'était pas facilement acceptées, mais vouloir le bien-être de tout le monde était quand même louable. Les façons de faire étaient autre chose. Bull aurait bien voulu expliquer les nuances du Qun, mais ce n'était probablement ni le moment, ni l'endroit. Bien qu'il avait probablement une interprétation des obligations du Qun assez libertaire, mais il gardait quand même une certaine réserve de la calomnier devant n'importe qui.
- Le Qun a ses défauts, mais cela part d'une bonne intention. Il n'y a rien de noir ou de blanc dans ses religions, cher elfe, seulement différentes interprétations. J'ai de la difficulté à voir cela chez les Corbeaux par contre. Il y a bien certains qui sont partis de cette organisation. Pas justement un des compagnons du Héros de Férelden ?
Il n'avait pas un mauvais jeu, mais ce n'était pas le meilleur non plus. Il avait une paire parmi ses cartes. Avec un peu de chance, je pourrait piger la bonne carte pour faire un trio.
- Je pioche.
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Le Qun a ses défauts, mais cela part d'une bonne intention. Il n'y a rien de noir ou de blanc dans ses religions, cher elfe, seulement différentes interprétations. J'ai de la difficulté à voir cela chez les Corbeaux par contre. Il y a bien certains qui sont partis de cette organisation. Pas justement un des compagnons du Héros de Férelden ?
L'avis du qunari était décidément intéressant et assez ouvert pour quelqu'un qui était, selon les dires de la taverne, encore fidèle au Qun.
Rien de noir ou de blanc dans les religions, hein ? A Antiva, il n'y avait que la Chantrie, et elle ne luttait pas contre les vices du système. Tout était bon à jeter, si c'était inutile. Du moins, c'était son point de vue. Après tout, la Chantrie ne considérait pas les elfes comme les égaux des hommes, et ne les avait pas aidés, quand lui et son frère étaient dans la misère.
Ni la Chantrie, ni le système, ni rien.
Quand au Héro de Férelden... Disons que cet humain avait l'air de s'être fait une équipe plus qu'éclectique. Mais il avait entendu quelques rumeurs sur le corbeaux qui avait combattu à ses côtés.
Les religions ne sont que des paroles dans le vent, quand leurs actions ne sont pas concrètes. Elles n'ont rien fait de concret pour moi.
L'elfe piocha après le Qunari et resta de marbre quelques secondes : la partie était terminée. Il avait pioché l'Ange de la mort.
Quand aux corbeaux... Ils ne sont rien sinon des lames au service des puissants. Le coéquipier du Héros les fuyait, à ce que l'on dit. Le seul à n'avoir jamais quitté les Corbeaux sans mourir de sa démission.
L'elfe posa l'Ange de la mort sur la table, et présenta sa suite : elle était bonne. Le Qunari avait peut être meilleur.
l'angelo della morte...
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Est-ce que le Qun avait fait quelque chose pour lui ? Bull y pensa réellement. La religion dans laquelle Bull était depuis sa naissance était tellement partout, tellement omniprésente qu'il était difficile de ne pas la voir plutôt comme un mode de vie. Le Qun l'avait élevé, l'avait formé et lui avait donné un but dans la vie. C'était déjà quelque chose. Par contre, il n'avait jamais vécu pour lui-même avant d'être envoyé en Ferelden. Ça avait toujours été pour la communauté. Tout ce qu'il était servait seulement l'intérêt du nombre, alors peut-être que comme l'elfe, le Qun ne lui avait rien donné. En tout cas, surement pas un esprit critique. Ça, il l'avait appris avec ses gars de la Charge. La Chantrie, pour le peu qu'il en connaissait, n'était pas vraiment mieux non plus. Elle était elle aussi, à sa façon, omniprésente, mais elle n'était pas aussi restrictive que ce qu'il avait vécu étant jeune. Elle avait probablement ses lacunes et Bull pouvait en nommer quelques unes, mais comment critiquer une religion quand la sienne avait aussi matière à amélioration ?
La dernière carte que la taureau avait pigé n'était pas si mal. Il pourrait probablement se faire une bonne main s'il avait un tour ou deux de plus... Ou s'il frimait un peu. L'elfe pigeait une nouvelle carte.
Pour ce qui était des Corbeaux, c'était une organisation intéressante. Des armes pour les plus puissants ? Bull connaissait cela. Tant il était un peu cela avec sa troupe de mercenaires, autant il l'était aussi lorsqu'il était plus près du Qun. Ils n'utilisaient probablement pas les mêmes techniques Mais ils restaient des pantins à la solde de plus puissants. Les royaumes et les régions n'avaient pas réinventé la roue.
- C'est du pareil au même, peu importe où nos pas nous entraînent. Comment pouvoir critiquer quand c'est partout la même chose, sauf sous de différents noms.
Bull prit une gorgée de sa bière à la table.
- Cet elfe a eu bien de la chance d'être tombé sur ce héro. Quitter une organisation comme celle-là, c'est seulement en mourant qu'on y arrive.
Et le qunari était bien placé pour le savoir... Bien trop vite, l'ange de la mort sorti du paquet. Le taureau eu un sourire en coin. Même pas le temps de tricher. En déposant ses cartes à son tour, il s'aperçu bien que même avec une main tout à fait respectable, elle ne battait pas celle de l'elfe. Soit l'Ativan avait la chance du nouveau joueur, soit il avait réussi à tricher quand le guerrier avait les yeux sur sa boisson... Se voyant perdant, Le qunari fit signe au tavernier et paya pour ce qu'il avait bu, mais aussi, ce qu'avait bu l'elfe. Il était quand même bon joueur.
- Vous n'êtes pas un débutant, Zuan. Je comprend pourquoi vos anciens compagnons de jeu ont été un peu... Échaudés.
Il y en avait encore un inconscient dans le coin de la taverne. Bull se leva. Sa journée ne pouvait pas être que beuverie et paresse, il avait des hommes à gérer.
- Je vous demande une revanche, la prochaine fois que vous viendrait ici. La porte de la taverne et de la Charge est toujours ouverte... Autant que vous y mettiez le prix. Bonne chance pour vous et le reste de vos camarades.
Sur ce, le qunari fit un signe de tête à l'elfe et sorti de la taverne en prenant soit de sortir l'homme inconscient pour le réveiller à coup d'eau froide.
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